J’ai visité
en 2006 le delta de l’Ebre, la région de Tortosa et le fameux Mont Caro en Espagne où l’on peut découvrir
Pinguicula dertosensis.
En partant du Pays Basque, la première étape fut pour Alcaniz et sa cité médiévale.
Lire la suite...Le paysage est très monotone et sans grand intérêt à partir de Zarragosse si ce n’est des milliers d’éoliennes gigantesques disposées en grappes ou alignées sur les sommets des collines et montagnes. Arrivé à Tortosa on aperçoit au loin l’imposant Mont Caro surmonté de ses immenses antennes. La ville est grande et je n’ai pas su trouver de librairie pour acheter des cartes régionales précises. Je pars néanmoins à l’ascension du Mont sous un temps radieux, mais très venteux. La seule indication que je possédais était que les plantes se trouvaient au Ports de Beseit, sur le Mont Caro, dans la sierra de Fortalesa à 5 ou 600 mètres d’altitude. Je n’avais pas de localisation précise ni de carte, mais découvrir des Pinguicula dans une montagne ne me paraissait pas une tâche impossible : il suffisait de trouver de l’eau qui ruisselle sur des falaises calcaires. Du calcaire, j’en ai vu beaucoup, en fait tout le Mont Caro qui culmine à 1440m n’est constitué que de calcaire. La végétation quand à elle se compose essentiellement de buis et de pins à crochets nanifiés par les intempéries. Par contre pas la moindre trace d’eau ni d’humidité. Même les fossés à l’ombre tout au long de la route sont très secs. Finalement, j’arrive au sommet du Mont sans avoir aperçu la moindre grassette ni même détecté un endroit propice ni trouvé la sierra de Fortalesa. Un peu désemparé et quelque peu déçu, je redescends les 20 km de route en lacets. En arrivant à l’entrée de Roquetes, une petite ville au pied du Mont, je découvre un office de tourisme flambant neuf entièrement dédié au Parc régional du Port de Beseit. Malheureusement il est 18h et bien que nous soyons en Espagne, la préposée ferme les portes.
Le delta de l’Ebre est immense et aménagé pour la culture du riz et le tourisme. Il est très peu arboré et je n’ y ai pas aperçu de plante remarquable. C’est néanmoins un site important de nidification pour de très nombreuses espèces d’oiseaux. Il y a quelques villages qui ne sont pas encore trop défigurés par l’urbanisation.
Le lendemain, je décide de retourner à l’office de tourisme de Roquetes afin d’obtenir peut-être quelques indications concernant P.dertosensis. Mes espoirs vont être comblés au-delà de mes espérances. La personne qui reçoit le public se montre très coopérative et intéressée par ma démarche de vouloir découvrir cette plante. Je suis en effet le premier à la questionner à ce sujet. Après m’avoir rappelé que j’étais dans une réserve naturelle et que tout prélèvement était rigoureusement interdit, elle ne fut pas avare d’indications ni d’informations. Elle connaît très bien la plante, son nom, son biotope, le mode de capture et surtout un site où on peut la voir. Il m’ est même précisé qu’en cette période elle n’est pas encore en fleur. Le site de Hoz de Beteta, beaucoup plus à l’ouest dans la sierra de Cuenca où l’on peut également apercevoir
P.dortosensis ne lui est pas inconnu non plus. Elle signale également que cette année est une année particulièrement sèche et qu’il n’y a pas eu beaucoup d’eau.
En fait les indications que je possédais ne pouvaient suffire pour trouver les plantes, car elles sont incomplètes, voire erronées. La sierra de Fortalesa n’existe pas ! C’est le nom d’un pic qu’affectionnent particulièrement les amateurs de grimpe. Pour terminer et après m’avoir remis carte et dépliants très utiles et instructifs, elle m’indique précisément la position d’un site et le chemin d’accès. Je prends congé non sans avoir laissé, à sa demande, mes coordonnées, rempli le cahier de renseignements et surtout l’avoir remerciée pour son accueil et sa patience. Sur les documents remis il est intéressant de noter que P.dertosensis est parfois appelé Pinguicula longifolia subsp. dertosensis ou « viola d’aigua » qui est son nom catalan.
Me voilà donc repartit en cette fin d’après midi à l’assaut une nouvelle fois du Mont Caro. Les indications se révèlent très pertinentes puisque 30 à 40 minutes plus tard je suis arrivé sur le site à 1000 m d’altitude. L’endroit est un petit cirque d’une vingtaine de mètres de diamètre avec au fond des parois abruptes d’où devrait tomber de beaucoup plus haut l’eau d’une cascade. Comme précisé, il n’y a pas d’eau qui coule et sûrement depuis longtemps tellement le site me parait sec. La première impression est, il faut bien l’avouer, une petite déception, car le site n’est plus très naturel ni sauvage: il a l’air d’être très fréquenté, car il sert de lieu de pique-nique. Un petit bâtiment en béton, « tagé », abrite même des barbecues de grandes tailles qui donnent l’impression d’être souvent utilisés. Des tables et bancs en pierre ont également été bâtis et un petit peu partout dans la zone on peut voir, bien que nous sommes dans un parc régional protégé, des traces de feux ouverts. Un des bancs est si près de la paroi que l’on peut pratiquement toucher les pinguicula en étant assis.
Il ne manque que la baraque à frites et le distributeur de boissons ! Une petite fontaine rafraîchissante a été construite, mais elle est alimentée par un tuyau plastique peu discret qui récupère de l’eau en amont. Nous sommes très loin du cirque de Gavarnie et de ses pinguicula accessibles uniquement après quelques heures de marche. L’été les autochtones viennent certainement rechercher dans ce site un peu de fraîcheur et passer la journée plus au calme que sur les plages toutes proches. Comme il est praticable facilement en voiture il doit souvent y avoir foule et les apprentis escaladeurs doivent causer à coup sûr des dégâts dans la petite colonie de pinguicula. Car malgré tout, les plantes sont bien là !
La population à cette époque est d’environ 200 plantes de petite taille, mais de très nombreuses graines ont germé, car on aperçoit un peu partout des plantules. Les plantes poussent principalement le long et sous une faille qu’il doit y avoir dans la roche et d’où un peu d’eau arrive à humidifier la zone. Sous un surplomb les mettant à l’abri de la pluie et du soleil, elles s’accrochent directement au rocher dans toutes les positions ou prospèrent sur un peu de « substrat » ou de mousse. Je remarque que peu d’insectes sont capturés et qu’il ne semble pas y avoir de maladie ou de parasite sur les feuilles. Les plantes sont en très bon état et les hampes florales sont en cours de développement, mais comme annoncé aucune fleur n’est ouverte ; dommage, car c’était sûrement pour bientôt. Je suis un peu déçu, car sur un site Internet, on peut voir P.dertosensis du mont Caro in situ en fleur au mois d’avril 2004. Ce n’est pas le même endroit et l’altitude est nettement plus basse que celle de ce site. L’auteur indique néanmoins que lors d’une visite antérieure ces plantes n’étaient toujours pas en fleur à la fin mai !Après avoir pris de nombreux clichés et reçu la visite impromptue d’un garde, j’ai finalement regagné la côte en fin de journée afin de poursuivre mon séjour catalan.
Décrite récemment sous le nom de P.submediterranea, cette espèce hétérophylle qui pousse dans plusieurs sierras du sud et de l’est de l’Espagne s’appelle désormais P.dertosensis. Lors de sa première description elle avait était nommée comme P.grandiflora subsp.dertosensis. Bien que plus petites, les fleurs ressemblent à celles de
P. longifolia subsp.reichenbachiana,
Si vous désirez vous rendre sur le site, je vous recommande avant d’entreprendre l’ascension de vous arrêter au centre d’information à la sortie de Roquetes en direction du Mont Caro. Même si vous ne maîtrisez pas l’espagnol, un simple dictionnaire devrait suffire pour vous faire comprendre et obtenir les précieux renseignements.
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